Democratiser la communication et les médias

2005-08-10 00:00:00

Les medias communautaires et la lutte pour la citoyennete

Pour comprendre cette association entre les médias
communautaires et la lutte pour la citoyenneté, il faut
remonter vers la fin des années 70 début 80 où les pays
d'Amérique latine notamment étaient dirigés par des
dictatures militaires ou civilo-militaires qui opprimaient
les populations civiles en général et les progressistes en
particulier.

Dans ce contexte, la lutte était menée sur tous les fronts
dont le front idéologique avec l'éducation populaire comme
méthode. Les médias communautaires/populaires étaient venus
donc comme un instrument au service de ce combat pour la
libération des masses populaires

S'il est clair pour nous que les médias de masse (privés,
commerciaux ou publics) sont le plus souvent au service des
grands, des riches et du statu quo, c'est-à-dire pour
maintenir et/ou reproduire les inégalités sociales, les
médias communautaires sont venus comme une réponse pour
communiquer autrement, une réponse des secteurs
progressistes et populaires au processus de communication
unidirectionnelle et autoritaire des médias massifs.

Quand nous parlons de médias communautaires, nous parlons
d'une nouvelle manière de voir la communication ou si vous
voulez d'un retour au sens premier du terme communication
“partager, échanger”. Avec les médias communautaires on
fait un usage social des médias qui sont devenus des autils
d'éducation populaire au service des luttes pour la
transformation sociale et l'affirmation des identités
culturelles.

De ce point de vue nous pouvons comprendre pourquoi les
premières radios communautaires ont vu le jour dans les
communautès autochtones du Canada, nous comprenons pourquoi
il y eu cette explosion de radios communautaires en
Amérique latinevers la fin des années 70, début 80 et là
nous devons citer les expériences comme les radios des
mines en Bolivie, les radios Venceremos et Faramundo Marti
au Salvador.

Depuis cette date, il y a eu un effort de systématisation
de ces initiatives de communication populaire pour le
changement. Je veux faire référence ici à la fondation il y
a environ 30 ans de ALER (Association Latinoaméricaine
d'Education Radiophonique) qui arrive à mettre en réseau
par satellite des dizaines de stations de radios
communautaires dans toute l'Amérique latine et grâce à ce
réseau, les populations d'Equateur, du Brésil peuvent
s'informer, sur les réalités et les expériences des
populations vivant sur la frontière haitiano-dominicaine
dans la Caraibe.

Je fais référence également à la création il ya bientôt 25
ans, de AMARC(Association Mondiale des Radiffusuers
Communautaires) au Nicaragua. Il faut parler égalemnt de
WACC (Association Mondiale pour la Communication
Chrétienne) qui soutient des projets de médias
communautaires à travers le monde notamment en Amérique
latine et dans la Caraibe.

Au fil des années, les médias communautaires se sont
imposés commes desinterlocuteurs incontournables dans les
débats internationaux sur la communication et
l'information. En quoi les médias communautaires sont-ils
différents des autres?

Je vous cite quelques caractéristiques:

1o) La propriété: Les médias communautaires sont des
propriétés collectives et non privées/personnelles.

2o) Le contenu: les médias communautaires privilégient
l'éducation 3o) La participation: les communautés
participent à la programmation et à la gestion du projet.

Les médias communautaires sont donc venus rendre la parole
aux exclus de nos sociétés dont les femmes, les enfants,
les paysans.....Les médias communautaires sont une réponse
à une situation d'injustice, de violation du droit de
millions de personnes à communiquer, droit garanti par des
conventions internationales telles La Déclaration
universelle des Droits Humains.

C'est dans ce sens que nous disons que médias
communautaires et lutte pour la citoyenneté peuvent aller
et de fait vont de pair.

Si je prends notre cas en Haiti, la question de la lutte
pour la citoyenneté est une préoccupation quotidienne, moi
je parle souvent de construction de la citoyenneté car le
système dominant avec ses différents appareils arrivent à
mettre dans la tête des gens qu'ils ne sont pas des
humains, encore moins des citoyens. Par exemple à l´école
on nous enseigne que pour être citoyen il faut atteindre
ses 18 ans, ce qui signifie que avant cet age, il y a toute
une série de droits que la personne-considérée comme
mineure- n'a pas dont le droit á participer aux décisions
qui concernent son propre avenir ou celui de sa communauté.

Et dire jusqu'en 1982, les femmes haitiennes mariées
étaient considérées comme mineures par la loi même si elles
dépassaient les 18 ans.

La lutte pour la citoyenneté pour les médias communautaires
en Haiti va jusqu'à l'accompagnement de plus de 30% de la
population rurale pour l'obtention d'un acte de naissance
(vrai et gratuit). Ces gens-là, en dépit du fait qu'ils
dépassent l'âge de 18 ans, l'âge officiel de la
citoyenneté, ne peuvent s'identifier nulle part comme
citoyen haitien puisse qu'ils n'ont aucun document qui
certifie leur existence comme être humain.

Dans une telle situation, les médias communautaires
participent à la construction d'une citoyenneté en
permettant à ces exclus de s'intégrer dans leur communauté.
Cet accompagnement prend la forme de campagne d'éducation
populaire en vue de la conscientisation divers niveaux:

a) Un niveau individuel qui permet à la personne de
s'affirmer comme un être humain à part entière, c'est-dire
comme des femmes et des hommes ayant des droits qu'ils
soient civils et politiques, économiques sociaux et
culturels.

b) A un autre niveau, les médias communautaires doivent
permettre le développement d'une conscience de classe qui
puisse déboucher sur la solidarité et la nécessité de se
mettre ensemble.

c)Les médias communautaires contribuent également au
développement de la conscience critique des secteurs
populaires.

ci)Les défis

Le mouvement des médias communautaires fait face
aujourd'hui à des défis majeurs et le plus grand combat à
mener est celui d'exister et de préserver notre
indépendance face aux démarches de certains secteurs
économiquement puissants pour récupérer les expériences.

Nous apprenons par exemple que la Banque Mondiale aurait
commandé une étude en Afrique pour que les radios
communautaires fassent partie intégrante des projets dits
de développement qu'ils auront à financer.

En Haiti, depuis deux nous faisons face à une offensive de
l'USAID pour controler l'espace médiatique communautaire.
Pour ce faire, des aides en équipements sont accordés à des
dizaines de stations locales qui en contre-partie doivent
diffuser des spots et émissions “d´éducation civique” en
provenance des institutions proches de l'Ambassade
américaine à Port-au-Prince. Sur un ensemble de 20 stations
avec lesquelles nous à SAKS on a travaillé, 13 se sont
laissés cooptés.

L´autre grand défi auquel le mouvement doit faire face en
Haiti comme ailleurs, c'est la réduction progressive des
financements pour les projets de communication populaire.

Médias communautaires, médias du futur Je tire cette phrase
dans un compte-rendu de l'UNESCO-Caraibe, rédigé en mai
2004 après une conférence à Trinidad et Tobago à l'occasion
de la journée mondiale de la presse où les médias
communautaires ont été salués comme médias du futur.

La radio communautaire spécialement est considérée comme le
média pouvant assurer le pluralisme, la diversité, le
contenu local et la démocratie à la base. La radio
commuanutaire dit le rapport peut servir d'ouverture aux
femmes qui vivent dans les commuanutés défavorisées et leur
permettre de découvrir les technologies de l'information.

Nous membres des mouvements sociaux, nous devons continuer
à faire pression, à participer comme cela a été le cas pour
le Sommet Mondial sur la Société de l'Information, de façon
á apporter notre vision ou tout au moins à influencer les
décisions internationales en matière d'information et de
communication.

L'UNESCO fait la promotion d'un programme de Centre
Multimédia Communautaire comme stratégie globale visant à
réduire la “fracture numérique” dans les communautés
démunies des pays en développement. Je pense que c'est un
pas important de la part de cette agence des Nations-Unies,
cependant, il faut pas que la réduction de la fracture
numérique cache les “fractures sociales”. De ce fait nous
sommes d'accord pour que les technologies de l'information
et de la communication atérissent dans les communautés,
mais pas comme simples outils, il faut qu'elles soient au
service du combat contre les inégalités sociales séculaires
et que les institutions financières internationales, les
pays industrialisés et le marché global contribuent à
perpétuer dans nos pays avec leurs politiques
antipopulaires.

Porto Alegre, RS, Brésil 29 janvier 2005