Les organisations haïtiennes rejettent le projet de la ZLEA
Hôtel Christopher, Port-au-Prince, 14 novembre 2003
Nous, hommes et femmes, représentants de plus de 80 organisations de
tous les secteurs de la vie nationale provenant de 8 départements
géographiques accompagnés de plusieurs délégations venant de la
République Dominicaine, de Porto Rico, les 12, 13 et 14 novembre
2003 pour analyser le projet de la ZLEA.
Durant ces 3 jours, nous avons entendu les analyses et les
informations diffusées par le Centre pour la Libre Entreprise et la
Démocratie (CLED), du Groupe Croissance, du Fonds Monétaire
International (FMI), de professeurs d'Université, du Ministère de
l'Agriculture, du Bureau de l'Ordonnateur National (BON), d'ONG
telles que Oxfam Grande Bretagne, Médecins Sans Frontières ; Des
analyses et témoignages de la part de certains experts haïtiens,
d'organismes et ONG haïtiennes, d'organisations de base et de
plusieurs spécialistes de la PAPDA ;
Nous Constatons que:
? Le Gouvernement haïtien, particulièrement le bureau de suivi
des Accords internationaux, garde le plus grand secret autour
des négociations liées à la ZLEA
? Les délégations officielles font la navette dans les
différentes rencontres internationales pour négocier des
« accords de la mort » visant à liquider toutes les ressources
du pays et qui menacent l'existence même de la population
haïtienne ;
? Le dialogue ne fait pas partie de l'agenda du Gouvernement,
considérant tout le secret qu'il garde et son mutisme face aux
revendications de la population pour s'informer des
négociations sur les différents accords en cours et
particulièrement la ZLEA
? La situation économique et sociale des couches défavorisées se
dégrade au jour le jour et que la signature du projet de la
ZLEA ne fera qu'aggraver les conditions de vie des travailleurs
et producteurs paysans et aussi la situation des pays pauvres
du continent ;
? La ZLEA met en jeu de grands intérêts, cependant ce sont les
couches les plus défavorisées telles : paysans, femmes,
étudiants, jeunes, petites et moyennes entreprises qui en
subissent les conséquences. Cette situation de misère crée une
dépendance alimentaire grave du pays face à la production
américaine.
Durant ces 3 jours de débats et d'ateliers, nous avons eu l'occasion
de discuter sur plusieurs aspects du projet de la ZLEA. Nous avons
découvert que la ZLEA représente un danger sans précédent pour les
peuples du continent du point de vue des acquis démocratique et de
souveraineté nationale, du point de vue de la sécurité alimentaire,
etc.
La ZLEA est un outil servant au renforcement de la domination
politique et économique de l'impérialisme américain sur tout le
continent et qui a comme objectif de :
– S'approprier des droits de souveraineté des peuples
– Créer plus de pôles de misère au sein des populations
– Détruire la base économique des paysans qui est la production
agricole
– Faire disparaître le secteur des petites et moyennes
entreprises
– Affaiblir l'Etat et réduire son rôle qui était de fournir aux
populations des services publics de base de qualité
– Aggraver les problèmes de l'environnement qui ne devient qu'un
simple moyen pour permettre au capitalisme de générer des
profits ;
– Accroître la dépendance des pays du continent en particulier
Haïti face à l'économie américaine et aggraver le déficit de la
balance commercial en payant encore plus le service d'une dette
externe qui n'a en rien servi les couches défavorisées ;
– Renforcer la présence militaire des Etats-Unis d'Amérique dans
tout le continent pour contrôler les frontières et réprimer
tous les mouvements de citoyens visant à changer les conditions
de vie de nos peuples.
Nous constatons que la ZLEA n'est autre que le prolongement des
politiques d'ajustement structurel imposées au pays par le FMI et la
Banque Mondiale dans les années '80 avec la complicité des
Gouvernements anti-populaires (avec certaines exceptions dans le
continent) qui ont toujours occupé les reines du pouvoir jusqu'à
aujourd'hui. Ces politiques sont en grande partie responsables du
processus de surexploitation des couches défavorisées par les
classes dominantes.
Nous constatons que ces politiques de libéralisation affectent de
plein fouet la classe paysanne qui, depuis des siècles, ne dispose
pas de moyens adéquats pour produire pour le marché local et aussi
assurer la sécurité alimentaire de toute la population.
Nous dénonçons la réunion des Ministres du Commerce qui se tient à
Miami car aucune information n'a été donnée sur la position
officielle du Gouvernement vis-à-vis des négociations et comment il
défend les intérêts de la population à travers ces dites
négociations ;
Nous déclarons n'avoir mandaté personne à cette réunion et de ce
fait, ne sommes responsables ni n'entérinons aucun accord signé par
ces personnes au nom du peuple haïtien.
Suite aux constats faits à travers les débats et les ateliers de
travail, nous exigeons:
1. Que le Gouvernement informe la population sur tous les
engagements qu'il a déjà pris au nom de la population haïtienne
dans le cadre de la ZLEA ;
2. Que le Gouvernement se retire provisoirement de toutes les
négociations dans le cadre de ce projet en attendant la
réalisation d'un Referendum populaire à travers lequel toute la
population devra se positionner sur la décision de faire partie
ou non de la ZLEA et dans quelles conditions ;
3. La participation de tous les secteurs de la vie nationale dans
toute consultation sur tous les dossiers, accords, lois
affectant l'avenir du pays. Un petit groupe de fonctionnaires
ne peut pas décider au nom de toute une population ;
4. Que le Gouvernement lance un véritable débat constructif pour
arriver à établir les mécanismes à travers lesquels la
population peut se positionner sur l'élaboration d'un vrai
projet de développement visant en premier la lutte contre la
pauvreté et l'exclusion sociale à commencer par les sections
communales pour arriver aux départements.
– Nous appuyons la déclaration faite par les organisations
paysannes venant de 13 pays dans le cadre de la 3ème
Assemblée des Peuples de la Caraïbe (APC) à travers
laquelle elles ont dénoncé la ZLEA comme le principal
ennemi de la région ;
– Nous demandons à tous les secteurs du pays : Hommes et
Femmes, paysans, étudiants, petits commerçants, syndicats,
socioprofessionnels, Université, Intellectuels, Artistes,
écrivains, Ecoliers, Comité de parents, professeurs,
Chômeurs, organisations de base, associations patronales,
chambres de commerce, de se mobiliser afin de défendre
leurs intérêts et ceux du pays menacés par le projet de
ZLEA ;
– Nous demandons à toutes ces entités de participer à toute
mobilisation visant à bloquer la course du capitalisme
dans l'appauvrissement des peuples et de transformation de
nos territoires comme des dépôts de déchets alimentaires
toxiques ;
– Nous Invitons toute la population à faire passer son point
de vue sur le dossier de la ZLEA à travers la grande
pétition nationale lancée par la Coalition d'organisations
haïtienne en vue de définir notre propre projet de
développement ;
– Nous demandons à la population de participer à la Campagne
de Boycott des produits « pèpè » en consommant davantage
les produits locaux provenant du travail de nos
producteurs paysans ;
– Nous appuyons la lutte des mouvements paysans du Nord-est,
particulièrement à Pitobert (Maribahoux) contre
l'installation de zones franches industrielles sur des
terres fertiles. Nous demandons au Gouvernement et les
investisseurs dominicains de surseoir à la répression
installée dans la zone pour empêcher la mobilisation de la
population contre ce projet macabre. Nous condamnons le
Plan Hispaniola qui aggravera la situation de misère déjà
précaire sur la frontière haïtiano-dominicaine et qui
compromet le droit à la souveraineté du peuple haïtien sur
son territoire.
– Nous appuyons tout le travail de plaidoyer réalisé par
l'Alliance Sociale Continentale (ASC) dans le but de
rechercher d'autres modèles d'intégration qui prend en
compte le droit de souveraineté des peuples en fonction de
leur niveau de développement ;
– Nous appuyons toute mobilisation dans tout le continent
américain telles que la plébiscite réalisée au Brésil, au
Mexique et en Argentine et toute autre mobilisation des
peuples comme celles de la Bolivie et l'Equateur contre le
projet ZLEA ;
– Nous appuyons la mobilisation pour une justice globale
lancée par tous les mouvements sociaux à travers tout le
continent qui sera réalisée du 19 au 21 novembre 2003 à
Miami pour dénoncer la réunion des Ministres du Commerce
et l'orientation des négociations en cours sur la ZLEA.
Avec eux, nous disons que tous les Peuples du Continent
rejettent le projet de la ZLEA.
Nous, représentants de plus de 80 organisations réunis à l'Hôtel
Christopher du 12 au 14 novembre 2003 :
– Nous lançons une vaste mobilisation dans tout le pays contre la
ZLEA et tout ce qui représente un accroc à la lutte contre la
pauvreté et l'exclusion sociale dans le pays ;
– Nous appuyons la Troisième rencontre hémisphérique qui aura
lieu à la Havanne, Cuba du 26 au 29 janvier 2004. Nous
encourageons la participation des organisations haïtiennes à
cette rencontre au cours de laquelle il sera question du bilan
et de la définition d'autres stratégies de mobilisation pour la
période 2004-2005 ;
– Nous nous engageons à créer à travers tout le pays des petites
cellules de mobilisation avec la participation de tous les
secteurs afin de renforcer notre capacité à proposer des
alternatives face à la ZLEA comme ça a été fait dans le
document de l'Alliance Sociale Continentale (ASC) intitulé :
«Alternatives pour les Amériques ».
« Une autre Haïti est possible »