Democratiser la communication et les médias

Les medias communautaires et la lutte pour la citoyennete

2005-01-31 00:00:00

Pour comprendre cette association entre les médias communautaires et la lutte pour la citoyenneté, il faut remonter vers la fin des années 70 début 80 où les pays d'Amérique latine notamment étaient dirigés par des
dictatures militaires ou civilo-militaires qui opprimaient les populations civiles en général et les progressistes en particulier.

Dans ce contexte, la lutte était menée sur tous les fronts dont le front idéologique avec l'éducation populaire comme méthode. Les médias communautaires/populaires étaient venus donc comme un instrument au service de ce combat pour la libération des masses populaires.

S'il est clair pour nous que les médias de masse (privés, commerciaux ou publics) sont le plus souvent au service des grands, des riches et du statu quo, c'est-à-dire pour maintenir et/ou reproduire les inégalités sociales,
les médias communautaires sont venus comme une réponse pour communiquer autrement, une réponse des secteurs progressistes et populaires au processus
de communication unidirectionnelle et autoritaire des médias massifs.

Quand nous parlons de médias communautaires, nous parlons d'une nouvelle manière de voir la communication ou si vous voulez d'un retour au sens premier du terme communication “partager, échanger”. Avec les médias
communautaires on fait un usage social des médias qui sont devenus des autils d'éducation populaire au service des luttes pour la transformation sociale et l'affirmation des identités culturelles.

De ce point de vue nous pouvons comprendre pourquoi les premières radios communautaires ont vu le jour dans les communautès autochtones du Canada, nous comprenons pourquoi il y eu cette explosion de radios communautaires en
Amérique latinevers la fin des années 70, début 80 et là nous devons citer les expériences comme les radios des mines en Bolivie, les radios Venceremos et Faramundo Marti au Salvador.

Depuis cette date, il y a eu un effort de systématisation de ces initiatives de communication populaire pour le changement. Je veux faire référence ici à la fondation il y a environ 30 ans de ALER (Association Latinoaméricaine
d'Education Radiophonique) qui arrive à mettre en réseau par satellite des dizaines de stations de radios communautaires dans toute l'Amérique latine et grâce à ce réseau, les populations d'Equateur, du Brésil peuvent
s'informer, sur les réalités et les expériences des populations vivant sur la frontière haitiano-dominicaine dans la Caraibe.

Je fais référence également à la création il ya bientôt 25 ans, de AMARC(Association Mondiale des Radiffusuers Communautaires) au Nicaragua. Il faut parler égalemnt de WACC (Association Mondiale pour la Communication Chrétienne) qui soutient des projets de médias communautaires à travers le monde notamment en Amérique latine et dans la Caraibe.

Au fil des années, les médias communautaires se sont imposés commes desinterlocuteurs incontournables dans les débats internationaux sur la communication et l'information.
En quoi les médias communautaires sont-ils différents des autres?

Je vous cite quelques caractéristiques:

1o) La propriété: Les médias communautaires sont des propriétés collectives et non privées/personnelles.

2o) Le contenu: les médias communautaires privilégient l'éducation

3o) La participation: les communautés participent à la programmation et à la gestion du projet.

Les médias communautaires sont donc venus rendre la parole aux exclus de nos sociétés dont les femmes, les enfants, les paysans.....Les médias communautaires sont une réponse à une situation d'injustice, de violation du droit de millions de personnes à communiquer, droit garanti par des
conventions internationales telles La Déclaration universelle des Droits Humains.

C'est dans ce sens que nous disons que médias communautaires et lutte pour la citoyenneté peuvent aller et de fait vont de pair.

Si je prends notre cas en Haiti, la question de la lutte pour la citoyenneté est une préoccupation quotidienne, moi je parle souvent de construction de la citoyenneté car le système dominant avec ses différents appareils arrivent à mettre dans la tête des gens qu'ils ne sont pas des humains,
encore moins des citoyens. Par exemple à l´école on nous enseigne que pour être citoyen il faut atteindre ses 18 ans, ce qui signifie que avant cet age, il y a toute une série de droits que la personne-considérée comme mineure- n'a pas dont le droit á participer aux décisions qui concernent son propre avenir ou celui de sa communauté.

Et dire jusqu'en 1982, les femmes haitiennes mariées étaient considérées comme mineures par la loi même si elles dépassaient les 18 ans.

La lutte pour la citoyenneté pour les médias communautaires en Haiti va jusqu'à l'accompagnement de plus de 30% de la population rurale pour l'obtention d'un acte de naissance (vrai et gratuit). Ces gens-là, en dépit du fait qu'ils dépassent l'âge de 18 ans, l'âge officiel de la citoyenneté,
ne peuvent s'identifier nulle part comme citoyen haitien puisse qu'ils n'ont aucun document qui certifie leur existence comme être humain.

Dans une telle situation, les médias communautaires participent à la construction d'une citoyenneté en permettant à ces exclus de s'intégrer dans leur communauté. Cet accompagnement prend la forme de campagne d'éducation
populaire en vue de la conscientisation divers niveaux:

a) Un niveau individuel qui permet à la personne de s'affirmer comme un être humain à part entière, c'est-dire comme des femmes et des hommes ayant des droits qu'ils soient civils et politiques, économiques sociaux et
culturels.

b) A un autre niveau, les médias communautaires doivent permettre le développement d'une conscience de classe qui puisse déboucher sur la solidarité et la nécessité de se mettre ensemble.

c)Les médias communautaires contribuent également au développement de la conscience critique des secteurs populaires.

ci)Les défis

Le mouvement des médias communautaires fait face aujourd'hui à des défis majeurs et le plus grand combat à mener est celui d'exister et de préserver notre indépendance face aux démarches de certains secteurs
économiquement puissants pour récupérer les expériences.

Nous apprenons par exemple que la Banque Mondiale aurait commandé une étude en Afrique pour que les radios communautaires fassent partie intégrante des
projets dits de développement qu'ils auront à financer.

En Haiti, depuis deux nous faisons face à une offensive de l'USAID pour controler l'espace médiatique communautaire. Pour ce faire, des aides en équipements sont accordés à des dizaines de stations locales qui en contre-partie doivent diffuser des spots et émissions “d´éducation civique”
en provenance des institutions proches de l'Ambassade américaine à Port-au-Prince. Sur un ensemble de 20 stations avec lesquelles nous à SAKS on a travaillé, 13 se sont laissés cooptés.

L´autre grand défi auquel le mouvement doit faire face en Haiti comme ailleurs, c'est la réduction progressive des financements pour les projets de communication populaire.

Médias communautaires, médias du futur
Je tire cette phrase dans un compte-rendu de l'UNESCO-Caraibe, rédigé en mai 2004 après une conférence à Trinidad et Tobago à l'occasion de la journée mondiale de la presse où les médias communautaires ont été salués comme médias du futur.

La radio communautaire spécialement est considérée comme le média pouvant assurer le pluralisme, la diversité, le contenu local et la démocratie à la base. La radio commuanutaire dit le rapport peut servir d'ouverture aux
femmes qui vivent dans les commuanutés défavorisées et leur permettre de découvrir les technologies de l'information.

Nous membres des mouvements sociaux, nous devons continuer à faire pression, à participer comme cela a été le cas pour le Sommet Mondial sur la Société de l'Information, de façon á apporter notre vision ou tout au moins à influencer les décisions internationales en matière d'information et de
communication.

L'UNESCO fait la promotion d'un programme de Centre Multimédia Communautaire comme stratégie globale visant à réduire la “fracture numérique” dans les communautés démunies des pays en développement. Je pense que c'est un
pas important de la part de cette agence des Nations-Unies, cependant, il faut pas que la réduction de la fracture numérique cache les “fractures sociales”. De ce fait nous sommes d'accord pour que les technologies de l'information et de la communication atérissent dans les communautés,
mais pas comme simples outils, il faut qu'elles soient au service du combat contre les inégalités sociales séculaires et que les institutions financières internationales, les pays industrialisés et le marché global contribuent à perpétuer dans nos pays avec leurs politiques antipopulaires.

Porto Alegre, RS, Brésil
29 janvier 2005