En marge du 16 octobre, journée mondiale de l’alimentation

Le marché des énergies renouvelables sous la loupe des investisseurs

2009-10-27 00:00:00

Devant être immenses pour générer de la compétitivité, les plantations de cultures d’agorcarburants ont délogé les populations rurales pour y laisser des « déserts verts » dans de nombreux pays, révèlent des enquêtes menées par Fian, une organisation de défense du droit à l’alimentation…
Agrocarburants, éolien, solaire : les caractéristiques de ces différents marchés énergétiques en Haïti ont été présentées aux milieux d’affaires haïtiens et étrangers au début du mois d’octobre 2009, lors d’une rencontre organisée par la Banque interaméricaine de développement (Bid) et à laquelle a assisté l’agence en ligne AlterPresse..
Leurs opportunités, avant tout commerciales, ont été discutées par les acteurs de la filière des énergies renouvelables, l’un des trois secteurs prioritaires d’investissement, notamment étranger, pointés par la Bid avec le secteur vestimentaire et l’agrobusiness.
Les acteurs haïtiens et étrangers de la filière des énergies renouvelables se sont réunis à Port-au-Prince dans le cadre d’un atelier, organisé par la Bid, le 1er octobre 2009, en présence de nombre d’investisseurs étrangers.
Avantage compétitif pour Haïti avec les énergies renouvelables
Il existe définitivement un marché des énergies renouvelables en Haiti, qui puisse renforcer la position de nombreux propriétaires et créer autant d’emplois, aux yeux de la Bid qui a réalisé des études de marché en collaboration avec le programme dénommé “développement économique pour un environnement durable” (Deed) de la coopération étasunienne.
Les préoccupations concernant le changement climatique, la baisse des coûts de production des énergies renouvelables qui sont devenues un secteur compétitif et la volonté du gouvernement haïtien de voir se développer cette branche d’activités économiques sont autant de facteurs qui expliqueraient le potentiel essor commercial des énergies renouvelables en Haïti, énumère Leandro Alves, chef de division du secteur énergie de la Bid.
Se référant au Paraguay et particulièrement au secteur des télécommunications dans ce pays, l’un des plus « verts » qui existe en terme de consommation énergétique, Alves insiste sur la compétitivité des travailleuses et travailleurs haïtiens, notamment dans la production énergétique et les facilités d’accès des produits au marché américain.
Recherche d’alternatives au charbon de bois
Développer ce secteur permettrait de remplacer le marché du charbon de bois et de restaurer les terres dégradées afin qu’elles accueillent à l’avenir des arbres fruitiers et répondent à des objectifs de sécurité alimentaire.
La consommation d’énergie en Haïti est comblée à 72 % à partir de la biomasse, rappelle Dieuseul Anglande, directeur général du bureau haïtien des mines et de l’énergie
Les besoins en énergie des ménages sont actuellement satisfaits par l’utilisation du charbon de bois, principale cause de la déforestation en Haïti.
Des systèmes de briquettes énergétiques, élaborées à base de matériaux recyclés, devraient être envisagés et pourraient être un marché potentiel pour les investisseurs.
Les agrtocarburants laisseraient des “déserts verts” en délogeant les populations rurales
Cependant, selon des enquêtes menées par Fian, une organisation de défense du droit à l’alimentation, (enquêtes qui n’ont pas été évoquées à la rencontre, début octobre 2009, sur les opportunités commerciales de la branche des énergies renouvelables), cette réussite s’opérerait au détriment des droits des travailleurs, notamment syndicaux.
Et, les plantations de cultures d’agorcarburants, immenses pour être compétitives, ont délogé les populations rurales pour y laisser des « déserts verts ».
Pas question de faire du commerce au détriment du développement, argumente la Bid, selon laquelle les activités commerciales qu’elle est prête à soutenir ne sauraient avoir d’impact négatif sur le développement social et économique à long terme d’Haïti.
Pour différents intervenants à la rencontre de début octobre 2009, les agrocarburants pourraient progressivement se substituer au marché du diesel, évalué à 130 millions de gallons par an.
45 millions de gallons pourraient être produits pour alimenter les génératrices. Les besoins et coûts d’adaptations nécessaires à cette substitution n’ont pas été abordés.
La production d’éthanol n’est pas une option à retenir en Haïti, notamment en regard de l’impact sur la sécurité alimentaire et vu l’étendue de terres que cette production nécessite, explique Gaël Pressoir, directeur de Chibas-Bioenergy.
Les “biodiesels” seraient cependant un marché prometteur, et il y aurait assez de terres pour rencontrer à ce niveau les besoins en diesel dans le pays, tout en travaillant avec de petits propriétaires, affirme Chibas,
La plante Jotrapha Curcas, connue sous le nom de Gwo Metsiyen en Haïti, est la plante à huile retenue pour réaliser cet objectif, car elle se cultiverait sur des terres dégradées et permettrait de les régénérer à long terme.
En revanche, d’un point de vue commercial, la production d’huile de jatropha a une productivité plus élevée sur des terres arables.
Le risque est ainsi grand, si des mesures ne sont pas prises pour encadrer ce commerce, que des terres arables et vastes soient utilisées, comme cela se vérifie actuellement dans plusieurs pays d’Afrique.
Au vu de la précarité que la plupart connaissent, les petits paysans en Haïti pourraient eux-mêmes être tentés de délaisser les cultures vivrières pour les cultures énergétiques, plus rentables à court terme.
Exposant son expérience dans le domaine avec trois autres investisseurs et un capital de 120,000.00 dollars américains, Réginald Noël fait part de la creation, en 2007, de l’entreprise “Biocarburants d’Haïti”, dont il est le vice-président.
Dans une première phase, “Biocarburants d’Haïti” compte utiliser 1200 hectares (qui leur appartiennent) dans le Plateau Central et encourager les petits paysans à la production.
Pour sa part, directeur de Wineco-Tevasa et de l’usine de Terminal Varreux de transformation d’éthanol, Maulik Radia importe de l’éthanol du Brésil que son entreprise « déshydrate » en Haïti avant de l’exporter sur le marché américain, profitant des facilités d’accès pour l’exportation de ce type de produit depuis Haïti. Cette activité génère des emplois de techniciens qualifiés.
L’éolien, “énergie la plus propre”, exige un capital important
Au niveau de l’éolien, l’énergie la plus « propre » mais la plus coûteuse, le potentiel de production en Haïti est estimé de 50 MW au Lac Azuei (sur la frontier haïtiano-dominicaine, à une cinquantaine de kilometers à l’est de Port-au-Prince) et de 2 MW dans le Nord.
Rolando Gonzalez-Bunster, president-directeur general (Pdg) de Basic Energy et investisseur international, rend compte des particularités du secteur éolien et de ce qu’il requiert pour être compétitif. Basic Energy investit dans cette branche dans de nombreux pays du monde, notamment en République Dominicaine.
Ce sont des projets qui demandent un capital important et qui sont difficiles à développer sur le court terme, mais qui sont rentables, souligne Rolando Gonzalez.
Pour lui, une des difficultés pour l’investissement dans l’éolien en Haïti est le manque d’études conséquentes rendues publiques à ce jour.
“Pour qu’une étude soit fiable, il faut qu’elle soit réalisée sur un même site durant une période d’au moins une année”, avance Gonzalez.
L’énergie solaire, un marché potentiel suscitant des crédits à la consommation
La barnche de l’énergie solaire représente également un marché intéressant.
« Tout est fait en Haïti, ce qui revient à diminuer le coût de 25 % par rapport à l’importation du matériel », décrit Jean-Ronel Noël de l’entreprise d’énergie solaire Enersa, créée en 2007.
Outre des panneaux solaires, Enersa fabrique des accessoires divers, comme des chargeurs de téléphone et des éclairages publics qui produisent 12 heures de lumière par jour. « Mais, il faut mettre en place des crédits à la consommation. Ainsi, pourrait-on disposer d’un marché potentiel de 50 % de la population ».
Encadrement législatif vers un développement harmonieux
Avoir un guichet unique serait très important pour la croissance des investissements dans la branche des énergies renouvelables.
« Nous avons besoin de nouvelles lois pour faciliter les investissements dans les énergies renouvelables », souhaite René Jean-Jumeau, spécialiste en énergie au ministère des travaux publics, transports et communications (Mtptc) et conseiller du ministre.
Un encadrement législatif est certainement nécessaire, afin de faciliter les investissements, mais il faudrait également donner la garantie que ces derniers renforcent les efforts de développement du pays et non les uniques portefeuilles des actionnaires.
Source:  AlterPresse www.alterpresse.org